Le Reproducteur (suite et fin)

Par le docteur J. ARNOLD

Au culte du champion de beauté, qui a fait les beaux jours jadis du taureau de foire, s’est ajouté, en cuniculiculture, un complexe d’idées « tabou », dont la fantaisie et la naïveté dépasse l’entendement, et qui sont encore l’apanage de certains cuniculiculteurs. Il convient de les évoquer ici pour tenter de les démolir complètement. Pour satisfaire à un rite, dont nous cherchons en vain depuis des

Années les origines, il est de bon ton, par exemple, d’acheter un nouveau mâle systématiquement tous les un ou deux ans. Peu importe si les mâles de l’élevage ont donné ou non-satisfaction, s’ils sont ardents ou essoufflés. Il faut changer !

Quel est alors le critère de choix pour ce remplacement aussi impératif qu’un désir de gamin ? Le plus souvent les prix obtenus dans les concours, et, qui plus est, par des parents éloignés ! C’est la célèbre appellation « issus primés », qui continue à profiter confortablement à des vendeurs plus psychologues que sélectionneurs. Il n’est pas surprenant que cette pratique barbare du choix des mâles ne procure le plus souvent que des déconvenues. Celles-ci ne suscitent cependant, chez les intéressés, qu’une colère aussi violente que stérile, après la race notamment, qui n’y est vraiment pour rien. Elles n’engendrent que fort rarement une réelle prise de conscience, un changement d’attitude pour l’avenir.

Il y aussi la non moins célèbre hantise de la consanguinité, qui fait introduire dans des élevages des sujets totalement inconnus des acheteurs, parfois même fort quelconques dans leur apparence, mais qui ont pour mission » d’infuser un sang nouveau », ce qui suffit à leur consécration. Les résultats de cette infusion sont, là aussi, fort décevant, mais ils ne servent pas davantage d’exemple !

Il y a enfin la croyance, aussi enracinée dans certains esprits qu’elle est en contradiction avec les phénomènes biologiques, qu’un PH, ne peut et ne doit donner que des PH, voire à la rigueur des 1er prix. Nous revenons ici au culte du champion de beauté, qui a coûté fort cher à l’élevage français au cours du dernier demi-siècle.

Il est de notre devoir de clamer une nouvelle fois ici, que de telles pratiques doivent disparaître complètement, car elles n’ont abouti jusqu’à maintenant qu’a entraver l’essor des races, en démolissant le travail accompli par les vrais sélectionneurs.

Disons pour terminer quelques mots sur la pratique des accouplements et la notion de déchets.

Il est de constatation courante que certaines unions procurent de meilleurs résultats que d’autres. Pour un accouplement déterminé, des différences parfois considérables, existent d’une portée à l’autre. Enfin, au sein d’une même portée, des dissemblances sont souvent très perceptibles entre les lapereaux. Dans tous les cas, cela dépend des combinaisons génétiques qui résultent de la fécondation. Il n’existe, en fait, pas un animal qui ait le même potentiel héréditaire. Les ressemblances et les dissemblances sont plus ou moins accusées : elles existeront toujours.

L’art du sélectionneur consiste à réaliser les accouplements pourvoyeurs des meilleures combinaisons possibles, et à faire en sorte qu’une reproductibilité aussi relative soit-elle de caractères primordiaux puisse être obtenue dans son cheptel. Dans ce cas idéal, il apparaîtra toujours des sujets à éliminer, des déchets d’élevage.

Le faible pourcentage de ceux-ci demeure le véritable critère du bon accouplement.

Quant on parle de sujet « favorablement testés » ou de « géniteurs d’élite », il s’agit d’animaux ayant engendré un pourcentage satisfaisant ou important d’animaux répondant à des normes définies, mais qui produiront également, en moindre proportion, des rebuts. Toutes les qualifications ne s’établissent que d’après un jugement d’ensemble de la production, en fonction d’une qualité moyenne de la population considérée.

L’éleveur désirant obtenir une descendance se rapprochant le plus d’un niveau de sélection déterminé, doit utiliser tous les moyens d’amélioration dont il peut disposer, que ce soit le pedigree, le contrôle des performances, le testage, et son habileté à unir ses animaux entre eux.

Ce n’est qu’ainsi qu’il affirmera la valeur de son élevage.

FIN